Les éditeurs tiennent salon
Un consultant m'a dit un jour:"Il y'a beaucoup d'argent dans l'édition mais il n'est pas dépensé là où il faudrait". J'y pensais jeudi soir au vernissage du Salon du livre. L'impression que les cocktails sont plus chiches; les stands moins décorés. Sauf en BD qui vit son âge d'or. Ailleurs, l'édition est en crise et, pour la juguler, les éditeurs sont lancés dans une fuite en avant, la course folle aux nouveautés. Les offices* pleuvent sur les libraires qui n'ont plus le temps de travailler les livres, les conseiller à leurs clients. Les têtes de gondole sont colonisées par les grands distributeurs et pour cause: comment écouler les dizaines d'exemplaires, reçus à l'office*, du "dernier Chirac"? C'est la TG* où la FR* avec ce que cela suppose: mettre en carton et affronter le regard triste du repré*. Sans tomber dans le passéïsme, je suis quand même amenée à constater que la qualité de la production en souffre et les pépites méconnues se perdent. Qui, aujourd'hui, peut prendre le risque de lancer un nouvel auteur? Il faut avoir les reins solides et des financiers moins sourcilleux pour parier sur un nouveau cheval. Dans les grandes maisons, chaque titre est soumis, avant parution, à la moulinette impitoyable du BP* : quel coût de fabrication, quelles ventes espérer, quel investissement "promo", quelle marge???
Du coup, les responsables éditoriaux, à leurs corps défendants parfois, se réfugient dans les valeurs sûres ou, encore, nouvelle tendance, les "repackaging": on fait du neuf avec du vieux; des recueils tirés des ouvrages précédents du même auteur, des "best of", compil et autres assaisonnements; des adaptations de blog à succès; de séries télé; des traductions d'oeuvres ayant fait leurs preuves dans leurs pays d'origine, des "témoignages" et autres mémoires d'hommes politiques, de flics, de vedettes du show biz...
Qui, parmi vous, a découvert, récemment, de nouveaux auteurs?
Le phénomène a des aspects inattendus. Ainsi, les "petits" éditeurs reçoivent maintenant des manuscrits de bonne qualité, refusés par de grandes maisons...qui les récupèrent quand ça marche...
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TG* : tête de gondole. Comme dans les grandes surfaces alimentaires, les grandes surfaces culturelles mettent en avant les titres à vendre en priorité.
Office: c'est un abonnement auquel le libraire souscrit, acceptant ainsi de recevoir, dès parution, X exemplaires de chaque titre. Sa variante, l'office "sauvage" où l'éditeur envoie d'office au libraire, sans son consentement, un certain nombre d'exemplaires de ses nouveautés.
FR*: faculté de retour. C'est la contrepartie de l'office. Le libraire a le droit de retourner les ouvrages invendus, au bout de quelques semaines, à l'éditeur.
Repré": abréviation de représentant. C'est le titre du commercial auprès des libraires.
BP": pour Business plan. L'impitoyable tableau excel où les financiers rentrent des paramètres fixes d'exigences de rentabilité. Il suffit ensuite de saisir dans le tableau le titre du livre, le nombre de pages (qui calcule automatique le coût de fabrication et d'impression); le tirage et le prix public fixé et hop, au bas du tableau, on peut lire :"rentable" ou "non rentable". Exit pour les perdants.
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